

Discover more from Marcopolo
Bienvenue aux nouveaux membres de la communauté Marcopolo. Chaque semaine, on tente d’expliquer simplement l’essentiel de l’actualité internationale sous forme de briefings courts et didactiques. Si un ami vous a transféré ce mail, vous pouvez recevoir les prochains en vous inscrivant ici.
🇲🇲 Retour à la case prison en Birmanie
En Birmanie cette semaine, l’armée a renversé le gouvernement, repris la totalité des pouvoirs, fermé le parlement et emprisonné une bonne partie de l’exécutif. C’est un retour en arrière de dix ans pour ce pays où la démocratie était à peine en train d’émerger.
À la suite de la Première Guerre mondiale, la Birmanie obtient son indépendance du Royaume-Uni et devient une démocratie parlementaire. C’est en revanche un pays divisé en une multitude d’ethnies, assez compliqué à gouverner dû aux nombreuses revendications locales. À peine 4 ans plus tard, le premier coup d’État militaire éclate. L’Armée s’impose comme l’unificateur du pays et tiendra d’ailleurs cette rhétorique jusqu’à aujourd’hui. Le général Ne Win prend le pouvoir en 1962 et dirige le pays d’une main de fer jusqu’en 1988. À cette période, un mouvement de protestation populaire éclate dans tout le pays pour demander un changement radical de gouvernance. C’est pendant ces événements qu’Aung San Suu Kyi commence à entrer en politique et à s’opposer au pouvoir. Le mouvement est sévèrement réprimé par l’armée, faisant certainement plus de 3 000 morts. L’issue n’a pas du tout été favorable au mouvement pro-démocratie puisqu’une nouvelle junte militaire en profite pour prendre le pouvoir. La nouvelle dictature tente quand même de faire bonne figure en organisant des élections législatives en 1990. Le parti d’Aung San Suu Kyi les gagne avec plus de 80%. Pas de problème, les élections sont annulées et Aung San Suu Kyi est assignée à résidence. C’est le début d’un très long calvaire pour elle puisqu’elle ne sera libérée qu’en 2010. Elle bénéficie d’une immense popularité dans le pays en tant qu'opposante de premier rang, Prix Nobel de la paix en 1991 et également en tant que fille d’un des pères de l’indépendance du pays. Cette aura sera en partie cassée à l’international à partir de 2016 lorsque les exactions de l’armée birmane contre les Rohingyas (Relire le briefing) seront connues. Elle ne les a jamais condamnés et a défendu son pays devant la Cour internationale de justice.
En 2011, la junte militaire opère une mue et devient un pouvoir civil, dirigé par un ancien général (et pourquoi pas ?). Le nouveau président engage une politique de libéralisation. Aux élections de 2015, le parti d’Aung San Suu Kyi remporte une très belle victoire avec 60% des voix. L’armée avait anticipé ce scénario en créant une loi sur mesure : elle ne peut devenir présidente car ses enfants sont nés à l’étranger, un de ces proches a donc pris le rôle et elle est devenue ministre d’État. L’Armée, la Tatmadaw, avait également vraiment couvert ses arrières avant la libéralisation du pays : les ministres de la défense, de l’intérieur et des affaires frontalières sont nommés par le chef d’état-major des armées et 25 % des sièges du Parlement sont réservés à ses membres, ce qui rend impossible toute modification de la constitution, puisque tout amendement nécessite plus de 75 % des votes de l’Assemblée Nationale.
Fin 2020, de nouvelles élections venaient de renforcer la majorité du parti d’Aung San Suu Kyi. Ce nouveau parlement allait justement commencer à siéger lorsque le coup d’état a eu lieu. On peut d’ailleurs le voir en live derrière ce cours d’aérobic. Aung San Suu Kyi est de nouveau en résidence surveillée et l’Armée est visiblement en train de la faire inculper pour importation illégale de Talkies-Walkies (ils n’essayent même plus de faire semblant). Le Général Min Aung Hlaing a donc pris le pouvoir et déclaré que les dernières élections étaient totalement frauduleuses.
La nouvelle fait évidemment grand bruit dans le monde entier mais peu de pays ont vraiment les moyens de faire pression. À part la Chine, principal partenaire commercial et politique. Et la Chine, justement, ne semble y voir qu’un remaniement ministériel (tout est relatif effectivement). Elle a d’ailleurs bloqué une résolution du Conseil de Sécurité de l’ONU condamnant le coup d’État. En Birmanie, on a en revanche peu d’informations. Les employés de plus de 70 hôpitaux étaient en grève mercredi et des manifestations sporadiques ont eu lieu. Le gouvernement a bloqué l’accès à Facebook pour éviter l’organisation de mouvements de protestations. La Birmanie est classée parmi les pires pays au monde en matière de libertés publiques (libertés de la presse, droits de l’homme, indépendance judiciaire). Il faudra donc beaucoup de courage aux Birmans pour s’opposer, seuls, à l’Armée.
🌍 In other news
🇷🇺 En Russie, Alexeï Navalny (Relire le briefing) a été condamné à deux ans et demi de prison lors d’une mascarade de procès. De nouvelles accusations de détournement de fonds devraient également lui être reprochées dans les jours à venir et étendre son séjour en prison.
🇨🇫 En République Centre-Afrique, selon les Nations Unis, plus de 200 000 personnes auraient fui le pays suite aux violences qui ont éclaté lors des élections présidentielles contestées de fin 2019.
🇱🇾 En Libye, un conseil organisé par l’ONU vient d’élire une présidence à trois têtes pour tenter de sortir le pays d’une crise sans fin. Suite au renversement de Kadhafi, cela fait plus de dix ans que le pays est divisé entre un gouvernement reconnu par l’ONU à l’ouest et un général rebelle à l’est.
🇧🇷 Au Brésil, le président Jair Bolsonaro vient de faire élire deux alliés en tant que présidents des deux chambres du Parlement. Cela devrait lui permettre d’échapper aux tentatives d’impeachment à son encontre.
🇨🇳 En Chine, la BBC vient de publier un nouveau rapport qui fait froid dans le dos. Il décrit l’utilisation systématique du viol contre la minorité Ouïgoure dans les camps d’internement. Relire le briefing.
🇮🇹 Le président Italien a finalement laissé tomber Giuseppe Conte et a demandé à Mario Draghi (ancien président de la BCE) de former un nouveau gouvernement de coalition. A priori, la plupart des partis sont enthousiastes à l’idée de travailler avec Super Mario. Relire le briefing.
C’est tout pour cette semaine. Si ce briefing vous a plu, vous pouvez transférer cet e-mail à vos amis. Plus on est de fous, plus on lit.
Bon dimanche à tous.
JB