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Cette semaine, les combats ont repris en Ăthiopie, au TigrĂ©. La rĂ©gion rebelle du nord accuse le gouvernement de sâĂȘtre alliĂ© Ă lâĂrythrĂ©e pour mener une attaque conjointe au nord et au sud du territoire.
Les nĂ©gociations qui ont lieu depuis le cessez-le-feu de mars 2022 ont Ă©chouĂ©. Le TigrĂ© fixait comme prĂ©condition aux discussions la levĂ©e du blocus humanitaire, qui met en danger plus de 8 millions dâhabitants.
Revenons sur lâhistoire rĂ©cente de lâĂthiopie pour comprendre les enjeux de cette guerre et la catastrophe humanitaire qui en dĂ©coule.
â La nouvelle star
Le dernier empereur d'Ăthiopie, HailĂ© SĂ©lassiĂ©, est renversĂ© en 1974 par une rĂ©volution marxiste-lĂ©niniste.
Au dĂ©but des annĂ©es 80, une famine particuliĂšrement sĂ©vĂšre touche plus de 8 millions de personnes et fait 1 million de morts. La rĂ©gion du TigrĂ©, dans le nord de l'Ăthiopie, commence Ă se rĂ©volter et Ă s'organiser contre le rĂ©gime communiste, le DERG.
Le Front de libération du peuple du Tigré (FLPT) parvient à renverser la dictature en 1991 et organise des élections libres (qu'il gagne) en 1995.
Durant les 30 derniÚres années, ce mouvement paramilitaire est devenu la principale force politique du pays alors qu'il est issu d'une région ne représentant que 6% de la population. Il gouverne le pays d'une main de fer, laissant peu de place à l'opposition.
En parallĂšle, suite Ă la chute du rĂ©gime communiste en 1991, l'ĂrythrĂ©e obtient son indĂ©pendance de l'Ăthiopie. Un dĂ©saccord sur la ligne de dĂ©marcation entre les deux pays engendre une terrible guerre qui a fait plus de 80 000 morts entre 1998 et 2000.
DÚs 2015, Les Oromos, ethnie majoritaire avec plus du tiers de la population, entrent en rébellion en 2015. Ils sont rejoints par les Amharas, qui représentent le quart de la population, l'année suivante. Ce soulÚvement contre le FLPT pousse le premier ministre à la démission.
Abiy Ahmed lui succĂšde et devient le premier Oromo Ă ce poste. Une de ses premiĂšres actions sera de pacifier les relations avec l'ĂrythrĂ©e, ce qui lui vaudra le prix Nobel de la paix en 2019. Il libĂšre de nombreux prisonniers politiques et promet d'organiser des Ă©lections libres en 2019. Bref, il devient le chouchou de l'occident.
đ Fallait pas l'inviter
Les élections de 2019 sont finalement annulées à cause de la crise sanitaire liée à la Covid 19. Le FLPT, opposé à cette annulation, accuse alors Abiy Ahmed d'essayer de prolonger illégalement son mandat.
En réaction, la région du Tigré décide d'organiser ses propres élections régionales en septembre 2020. Plus de 2 millions de personnes y participent. Le gouvernement central déclare le scrutin illégal et c'est le début de toutes les tensions entre Abiy Ahmed et le FLPT.
Début novembre 2020, le gouvernement accuse la région d'avoir attaqué deux bases militaires et de vouloir faire sécession. Le Premier ministre lance alors une opération contre plusieurs cibles en représailles et signe le début des hostilités.
Depuis maintenant deux ans, la guerre civile fait rage en Ăthiopie, entre les forces gouvernementales d'un cĂŽtĂ© et les rebelles du TigrĂ© de l'autre. Des dizaines de milliers de personnes ont Ă©tĂ© tuĂ©es et des centaines de milliers de personnes sont menacĂ©es par la famine par un "blocus humanitaire de facto", selon lâONU.
Le conflit dure, car le TigrĂ©, bien que reprĂ©sentant seulement 6% de la population, est une rĂ©gion qui est lourdement armĂ©e et militairement trĂšs expĂ©rimentĂ©e. Le TigrĂ© a Ă©tĂ© le mouvement leader de l'insurrection contre la dictature communiste et a Ă©tĂ© en premiĂšre ligne pendant la guerre avec l'ĂrythrĂ©e en 2000.
Abiy Ahmed a d'ailleurs trĂšs bien jouĂ© des rivalitĂ©s anciennes pour que le dictateur Ă la tĂȘte de l'ĂrythrĂ©e aide militairement l'Ăthiopie Ă mater les rebelles du TigrĂ©. La principale cause du conflit de 2000 Ă©tait une dispute territoriale entre l'ĂrythrĂ©e et la rĂ©gion du TigrĂ©, justement.
đ§Ż La pression monte
Le premier ministre Abiy Ahmed a dĂ» se rĂ©soudre Ă organiser des Ă©lections. Elles se sont tenues en juin de lâannĂ©e derniĂšre et ont Ă©tĂ© largement critiquĂ©es.
Aucun vote n'a eu lieu dans la rĂ©gion du TigrĂ©. Certains partis d'opposition, notamment dans la rĂ©gion d'origine du premier ministre les ont boycottĂ©es, se plaignant que leurs candidats aient Ă©tĂ© arrĂȘtĂ©s et leurs bureaux vandalisĂ©s. C'est donc une victoire en demi-teinte.
Pendant ce temps-là se joue également une tout autre partie. La communauté internationale critique de plus en plus ouvertement la gestion de la crise par le gouvernement éthiopien.
Abiy Ahmed est spĂ©cifiquement accusĂ© d'empĂȘcher l'aide humanitaire d'arriver correctement dans la rĂ©gion du TigrĂ© et d'empĂȘcher le travail des organisations humanitaires.
Deux ONG, Médecins sans frontiÚres et le Norwegian Refugee Council, ont dû cesser leurs activités.
Depuis mars 2022, les rebelles et le gouvernement sâĂ©taient engagĂ©s dans un cessez-le-feu, qui vient donc de voler en Ă©clat.
Alors que la pression de la communautĂ© internationale ne semble plus avoir aucun effet, l'espoir d'une sortie de crise pour la rĂ©gion du TigrĂ© s'Ă©loigne. La catastrophe humanitaire, elle, se rapproche et sâaccĂ©lĂšre.