

Discover more from Marcopolo
À part si vous êtes encore en vacances dans une contrée lointaine sans wifi, vous avez certainement noté que les Talibans ont mené la dernière phase de leur offensive en Afghanistan et ont repris la capitale sans même tirer un coup de feu. Rappelons tout de même que l'armée américaine les avait chassés en quelques jours à peine il y a 20 ans, qu'aucun pays au monde n'a bénéficié d'autant d'aide au développement et que cela fait également 20 ans que le pays est le théâtre d'une présence militaire internationale massive. Je vous propose donc un petit voyage dans l'histoire contemporaine du pays pour découvrir comment un trait de stylo vient de tout faire basculer de nouveau. Dans les années 60, Kaboul ressemblait à ça. Mais, la géopolitique a décidé d'un tout autre chemin pour l'Afghanistan.
Tous ensembles, tous ensembles !
Tout commence lorsque le dernier roi se fait déposer par son cousin lors d'un coup d'État, en 1973. Il se fait lui-même rapidement renverser en 1978 par un mouvement communiste, lors de la révolution de Saur. À partir de là, tout dérape pour les 40 prochaines années.
Le parti communiste qui prend le pouvoir en 1978 est soutenu par l'URSS, qui étend son influence doucement, mais sûrement sur le pays. Le régime chamboule énormément le fonctionnement économique du pays et verrouille totalement son fonctionnement politique avec une répression très dure.
La rébellion contre le régime s'organise, au point que son dirigeant fait appel à l'URSS pour mater l'insurrection.
Pas de bol, l'URSS en profite pour envahir le pays en 1979 et mettre un communiste plus fidèle aux commandes. La rébellion continue de s'étendre, et l'Afghanistan devient un des théâtres de la guerre froide par procuration : les rebelles sont largement financés par le Pakistan et les USA.
Les Soviétiques n'arriveront jamais à gagner cette guerre qui durera jusqu'à leur retrait unilatéral en 1989. Le régime communiste tiendra jusqu'en 1992.
Cette guerre a dévasté le pays. Plus de 500 000 civils ont été tués et plus de 10 millions de déplacés ont fui vers les pays voisins.
Winner takes all
À la chute du régime communiste, les différents rebelles n'arrivent pas à s'entendre sur un gouvernement d'union. Ils se séparent, se battent de nouveau les uns contre les autres.
Et, ce sont les Talibans qui tirent leur épingle du jeu. Ils représentent un mouvement musulman ultra-conservateur. Ils ont été largement soutenus financièrement par le Pakistan ou l'Arabie saoudite pendant la guerre contre les Soviétiques et ont également reçu l'appui de musulmans d'autres pays, dont Ben Laden. Bref, la guerre précédente leur a permis de monter en puissance et ils prennent Kaboul en 1996.
Par la suite, le pays tombe rapidement dans leurs mains. Tout le pays sauf une partie, le nord-est, où le commandant Massoud (qui sera assassiné quelques jours avant le 11 septembre 2001) dirige son armée de l'Alliance du Nord et résiste aux Talibans.
De 1996 à 2001, les Afghans vivent sous le régime le plus strict de la Charia. Inutile de vous faire un dessin.
100 000 soldats pour un homme
En septembre 2001, tout bascule de nouveau, les Talibans sont accusés d'être une base arrière du terrorisme et de protéger Ben Laden qui vient de réaliser les attentats contre le World Trade Center à New York.
Les USA, accompagnés de l'OTAN et de l'armée de l'Alliance du Nord font tomber le régime en quelques semaines.
Initialement relégués dans les montagnes et quasi battus à la suite de l'opération militaire internationale, les Talibans ont progressivement repris des territoires depuis 2006.
Parallèlement, cela fait environ 10 ans que le gouvernement américain réduit progressivement ses troupes passant de 90 000 en 2011 à moins de 10 000 à partir de 2015. Cette guerre lointaine est de moins en moins soutenue par les Américains depuis que Ben Laden a été tué le 2 mai 2011.
Début 2019, les talibans avaient déjà repris environ deux tiers du territoire afghan. Pour comprendre toute la difficulté des actions militaires dans un pays comme l'Afghanistan, il y a ce merveilleux article de blog.
En février 2020, le gouvernement Trump signe les accords de Doha avec les Talibans, sans le gouvernement afghan. L'accord prévoit la sortie complète des troupes américaines d'ici septembre 2021 contre l'assurance que les Talibans ne protègeront plus Al-Qaïda et arrêteront les attentats contre les forces américaines.
Joue-la comme Bernard Guetta
Vous pouvez maintenant faire comme tous les géopoliticiens professionnels et dire que tout était écrit d'avance dans les accords de Doha 😂.
On a bien voulu croire que le retrait des troupes occidentales voulait dire la passation des clés du pays au gouvernement afghan. Mais, ce dernier n'était même pas invité aux accords de paix et ne contrôlait plus que quelques régions.
Finalement, les talibans n'ont que quelques jours d'avance sur le planning prévu à Doha. Quelques jours qui étaient malheureusement précieux pour exfiltrer tous ceux qui ont travaillé de près ou de loin avec les armées occidentales.
Cette semaine, L'État Islamique vient de mener une action terroriste près de l'aéroport de Kaboul faisant des dizaines de blessés. C'est un premier test pour le gouvernement afghan qui selon l'accord de paix s'est engagé à ne pas protéger l'entité terroriste.
🌍 Le monde cet été
🇧🇾 En Biélorussie, le président Lukashenko a trouvé cet été un nouveau moyen de pression contre les pays voisins qui accueillent des dissidents politiques. Il a fait venir plusieurs centaines d'Irakiens qu'il a ensuite amenés à la frontière lituanienne. L'UE a fait pression sur l'Irak pour qu'elle arrête les vols vers Minsk.
👉 Relire le briefing sur la Biélorussie.
🇪🇹 En Éthiopie, les rebelles de la région du Tigré continuent de s'étendre et ont pris Lalibela, un site protégé par l'UNESCO abritant des églises orthodoxes taillées dans la roche.
👉 Relire le briefing sur la guerre civile en Éthiopie.
🇹🇳 En Tunisie, le président Kais Saied a prolongé la suspension du parlement jusqu'à nouvel ordre. Il avait limogé le premier ministre il y a un mois, prenant directement le pouvoir exécutif.