🌍 Saakachvilipendé
Briefing sur la Géorgie
Le mois dernier, l'ancien président géorgien Mikheil Saakachvili a cessé une grève de la faim qui a duré un peu plus d'un mois. Passé visiblement proche de la mort, il est sorti de soins intensifs. Il protestait contre son incarcération qui était selon lui, politiquement motivée. Le parcours de Saakachvili nous permet de comprendre toute la complexité d'être un ancien satellite de l'URSS et un voisin actuel de Poutine.
🎬 Nouveau départ
Les premières années d'indépendance de la Géorgie sont marquées par la corruption et l'instabilité dans les régions limitrophes à la Russie.
En 1991, la Géorgie se déclare indépendante de l'URSS.
Deux provinces ne s'y retrouvent pas du tout : l'Ossétie du Sud et l'Abkhazie ont en commun d'être à la frontière russe, anciennement autonomes à l'intérieur de l'URSS et d'être également des régions de minorités ethniques. Elles étaient plutôt partantes pour rester en Russie.
L'Ossétie du Sud s'autoproclame indépendante ce qui déclenche une guerre civile entre 91 et 92.
La république sécessionniste d'Abkhazie s'autoproclame également indépendante et déclenche, elle aussi, une autre guerre civile entre 92 et 93.
En 2001, Mikheïl Saakachvili, à l'époque jeune ministre de la Justice, accuse plusieurs membres du gouvernement d'être corrompus. Il démissionne et entre dans l'opposition.
💫 La nouvelle star
Saakachvili arrive à la tête de l'État porté par une vague de manifestations populaires sans précédent, qui marqueront le reste de l’Europe de l’Est.
Les élections législatives de 2003 sont grossièrement truquées en faveur du parti au pouvoir. Saakachvili lance alors un énorme mouvement de désobéissance civile et de manifestation pacifique : la révolution des Roses.
Cette révolution pacifique, qui servira plus tard d'exemple à la révolution orange en Ukraine, réunit des centaines de milliers de personnes. Le président Chevardnadze, en poste depuis 92, démissionne.
Début 2004, Mikhaïl Saakachvili est élu président de la République avec 97 % des suffrages exprimés. À 36 ans, il est le plus jeune chef d'État d'Europe et suscite d'énormes espoirs pour lutter contre la corruption.
Le penchant naturel du président Saakachvili vers l'Europe occidentale exaspère de plus en plus la Russie et les deux provinces pro-russes: l'Abkhazie et l'Ossétie du Sud.
⚡ La guerre éclair
La Russie n'attendait qu'une excuse pour intervenir sur deux territoires qu'elles considèrent lui appartenir.
En avril 2008, la Russie annonce le renforcement de ses liens avec les deux provinces rebelles et ça ne passe pas du tout à Tbilissi.
L’armée géorgienne lance une offensive pour reprendre en main l’Ossétie du Sud, mais la riposte de l'armée russe est directe et sans commune mesure. La Russie entre sur le territoire géorgien pour faire reculer l'armée géorgienne et en profite pour aider l'Abkhazie à reprendre une partie de territoire qu'elle avait perdu.
Un cessez-le-feu est négocié par l'Union européenne et renvoie la Russie à ses positions d'avant cette guerre éclair. Très vite la Russie reconnaît l'indépendance de l'Ossétie du Sud et de l'Abkhazie et reste militairement présente dans ces deux provinces.
Aujourd'hui l'indépendance de ces deux régions n'est reconnue que par la Russie, la Transnistrie, la Syrie, le Nicaragua, le Venezuela et l'île de Nauru : que du beau monde.
Cette guerre désastreuse sonne un peu le début de la fin pour Saakachvili. De plus en plus isolé, il peine à répondre aux attentes des Géorgiens notamment concernant l'économie et la lutte contre la corruption.
🚶♂️ L'errance
D'abord exilé à New York, puis en Ukraine, Saakachvili se résigne à rentrer, mais est directement emprisonné suite à un jugement de 2018.
Dès 2012 il perd le contrôle du parlement et en 2013, son opposant politique est élu à la tête de la Géorgie.
Dans un rebondissement que seul Saakachvili est capable d'inventer, il devient gouverneur d'une région......... en Ukraine : le président Poroshenko nouvellement élu à la tête de l'État ukrainien lui demande d'aller faire le ménage dans une des régions les plus corrompues d'Ukraine : Odessa.
Il démissionne avec fracas en 2016 déclarant que l'État est corrompu jusqu'à sa tête et que l'élite l'empêche de réformer Odessa. Il est chassé du pays.
En 2020, le nouveau président ukrainien Zelensky le nomme à la tête d'une agence en charge des réformes.
Alors qu'il avait été condamné en 2018 en Géorgie à trois ans de prison pour abus de pouvoir, il décide de rentrer en Pologne en 2021 et est immédiatement arrêté.
Ses partisans accusent l'État d'avoir monté ce procès politique de toute pièce. Il aura de nouveau rendez-vous avec la justice pour la répression violente de manifestants en 2007.
Ce qu'il s'est passé dans le Nord de la Géorgie en 2008 vous rappelle-t-il ce qu'il se passe aujourd'hui dans l'Est de l'Ukraine ? Les méthodes de la Russie sont tout de même beaucoup plus élaborées maintenant, avec notamment des troupes militaires sur le terrain qui n'affichent pas leur appartenance à la Russie.