La semaine derniĂšre, la Russie a annoncĂ© discrĂštement que le gazoduc Nord Stream 2 Ă©tait enfin terminĂ© et prĂȘt Ă l'emploi. C'est l'aboutissement d'un feuilleton gĂ©opolitique entre l'Europe, la Russie et les USA qui a durĂ© plusieurs annĂ©es. Tout a Ă©tĂ© fait pour empĂȘcher que ce gazoduc approvisionne l'Allemagne en gaz russe.
đïž Un giga projet
Nord Stream est un projet de gazoduc reliant le nord-ouest de la Russie et le nord de l'Allemagne en passant par la mer baltique.
Il a été initié en 1997 et vient seulement de se terminer suite à de nombreuses déconvenues géopolitiques.
Il fait plus de 1 200 kilomĂštres et amĂšnera, en rythme de croisiĂšre, plus de 50 milliards de mĂštres cubes de gaz par an, soit le double du volume actuel.
Ce gigantesque projet a été opéré par Gazprom, une entreprise russe spécialisée dans le gaz, avec un consortium d'autres entreprises énergétiques européennes.
En Allemagne, c'est le chancelier Gerhard Schröder (de 1998 à 2005) qui a porté le projet. Pour la petite histoire, il est devenu président du conseil de surveillance de North Stream juste aprÚs sa retraite politique.
đŠ Un panier de crabe
Pour l'Allemagne l'objectif est présenté comme triple : sécuriser son propre approvisionnement en gaz, modifier son mix énergétique pour accomplir sa transition énergétique et pérenniser les livraisons à toute l'Europe.
Pour la Russie, c'est plus dâexportation de gaz vers lâEurope : ce serait donc dommage de s'en priver.
Pour l'Ukraine c'est une catastrophe : la plupart du gaz russe Ă destination de l'Europe passe par l'Ukraine et cela lui rapporte Ă©normĂ©ment. Un canal d'approvisionnement concurrent ne peut pas ĂȘtre une bonne nouvelle Ă long terme.
CĂŽtĂ© USA, ce projet doit ĂȘtre stoppĂ© par tous les moyens. Selon eux, c'est un risque gĂ©opolitique majeur Ă trois niveaux :
PremiĂšrement, c'est une filiĂšre d'export concurrente de la leur. Les USA souhaitaient jusqu'Ă peu pousser leur gaz de schiste vers l'Europe au maximum.
DeuxiÚmement, ils estiment que ce gazoduc va accroßtre davantage la dépendance de l'Europe au gaz russe (déjà 43% des importations).
Enfin, l'utilisation par la Russie de ce nouveau canal pour faire du chantage Ă l'Ukraine est une hypothĂšse plus que probable pour eux. L'Ukraine et la Russie sont actuellement en froid suite Ă l'annexion par la Russie de la CrimĂ©e et un peu du Donbass aussi. On en avait parlĂ© dans le briefing sur l'Ukraine (đ Peut-on rĂ©sister Ă Poutine ?) en avril dernier.
En Europe, les détracteurs du projet rejoignent les Américains sur les deux derniers points.
đȘ Guerre et paix
Les USA ont tout fait pour mettre des bùtons juridiques dans les roues du projet. En 2019, ils ont adopté une loi imposant des sanctions contre les entreprises partenaires du projet.
Alors qu'il ne restait plus que 150âkm de travaux, lâentreprise suisse Allseas qui fournissait un bateau nĂ©cessaire au dĂ©ploiement du gazoduc est contrainte de quitter le projet, menacĂ©e par le congrĂšs amĂ©ricain de ne plus pouvoir opĂ©rer aux USA si elle continue.
ParallĂšlement, lâEurope a Ă©galement jouĂ© sa partition : une directive europĂ©enne est venue imposer aux gazoducs maritimes entrant dans les pays de l'UE de respecter les exigences de sĂ©paration des activitĂ©s de fourniture et de transport de gaz vers des pays tiers.
North Stream appartenant entiÚrement à Gazprom, cette exigence n'était pas respectée. Le parlement allemand a voté une loi repoussant le délai d'introduction de cette directive.
En juin 2020, le parlement américain étend les sanctions aux assureurs couvrant le projet.
La rébellion était portée principalement par Donald Trump. Devant la réalité des faits, le projet étant presque terminé et opérationnel, Joe Biden a finalement renoncé à le bloquer pour favoriser son alliance avec l'Allemagne.
Les discussions entre l'Allemagne et les USA se sont finalement débloquées avec un mécanisme de déconnexion du gazoduc si la Russie diminue le transit de gaz à travers l'Ukraine.
Câest ainsi que le gazoduc a pu ĂȘtre terminĂ©. DĂ©finitivement, rien ni personne ne rĂ©siste Ă Poutine.
đ Le monde cette semaine
đČđ± L'armĂ©e française a annoncĂ© avoir tuĂ© Adnan Abu Walid alâSahrawi, le chef de l'Ătat islamique dans le Grand Sahara. L'armĂ©e française est impliquĂ©e dans cette rĂ©gion depuis 2013 pour contrer la menace terroriste. Vous pouvez relire le briefing sur le Sahel ci-dessous.
đ Au fait, que fait la France au Sahel ?
đŠđș LâAustralie a rompu le contrat passĂ© avec la France en 2016 portant sur la construction de douze sous-marins pour 56 milliards dâeuros. L'objectif de ce contrat Ă©tait d'assurer la prĂ©sence de lâAustralie dans le Pacifique, oĂč la Chine cherche de plus en plus Ă s'imposer, notamment en mer de Chine du sud (relire le briefing ci-dessous). L'Australie va finalement se fournir auprĂšs des USA et du Royaume-Uni. Ce nouveau partenariat commercial vient sceller un pacte de sĂ©curitĂ© entre les trois pays, intitulĂ© Aukus.
đ Les Ăźles de la tentation
đ”đ La Cour pĂ©nale internationale a approuvĂ© l'ouverture d'une enquĂȘte pour dĂ©terminer si des crimes contre l'humanitĂ© ont Ă©tĂ© commis par les forces de l'ordre aux Philippines dans le cadre de la guerre contre la drogue.
đ©đż En AlgĂ©rie, lâancien prĂ©sident Abdelaziz Bouteflika est dĂ©cĂ©dĂ©. Il avait passĂ© plus de 20 ans au pouvoir et avait Ă©tĂ© contraint de dĂ©missionner de son poste par un mouvement de protestation en 2019.