Cette semaine, l'ambassadeur de France à Minsk, en Biélorussie, a été renvoyé par le président Loukachenko. Les raisons de cet acte assez rare en diplomatie ne sont pas connues mais tout cela semble très lié au fait que la France, comme beaucoup d'autres pays européens, n'a toujours pas reconnu la victoire de Victor Loukachenko lors des élections présidentielles de 2020.
🗿 Loukachenko l'indéboulonnable
La Biélorussie devient indépendante lors de la dislocation de l'URSS en 1991.
Dès 1992, le premier président, Stanislaw Chouchkievitch, a très rapidement réprimé la vague naissante (et régionale) de démocratisation.
Suite à une grande campagne anti-corruption menée contre le président sortant en 1994, Alexandre Loukachenko est élu président avec 80 % des voix !
Il est donc président de la Biélorussie (aussi appelée Belarus) depuis 26 ans, non-stop.
En 1996, il fait allonger, par référendum (tout de même), la durée du mandat présidentiel de 2 ans et renforce les pouvoirs de la fonction (comme la possibilité de pouvoir fermer le Parlement).
La guerre contre les opposants démarre fort : journaux interdits de publications, personnalités bannies de la télévision ou de la radio, fermeture du parlement et remplacement de ses membres par des fidèles au régime. Entre 1996 et 2000, 4 personnalités de l'opposition ont "disparu".
Réélu en 2001 et 2006, les résultats des élections sont déjà contestés localement et par plusieurs institutions internationales (le conseil de l'Europe parlera du scrutin comme d’une "farce électorale"). Le KGB biélorusse s'empresse alors de faire taire les opposants en les menaçant de mort.
Les élections de 2010 sont, en revanche, un peu plus corsées pour Loukachenko. Il déclare avoir obtenu 79 % des voix, mais la contestation, cette fois, est beaucoup plus forte et violente. Les opposants politiques protestent contre la falsification des résultats. Des manifestations se déroulent dans tout le pays et sont réprimées violemment par la police. Les principaux candidats de l'opposition sont arrêtés.
En représailles, les USA et l'Union européenne mettent en place des sanctions internationales contre la Biélorussie en 2011 : gels d'avoirs financiers, interdiction d'entrée dans l'UE pour les dirigeants du régime. Ces sanctions seront levées 5 ans plus tard par l'Union européenne elle-même.
Alexandre Loukachenko est réélu avec plus de 80 % des voix le 11 octobre 2015.
En 2019, il interdit aux opposants et aux deux parlementaires issus de l'opposition de se présenter aux élections législatives. Il obtient ainsi un parlement 100 % fidèle à son régime : malin.
🥊 Le dernier round ?
En 2020, le président se présente pour un 6ème mandat et fait arrêter et exclure de l'élection ses deux principaux opposants, dont Sergueï Tikhanovski, militant pro-démocratique.
La femme de Sergueï Tikhanovski, Svetlana, se présente alors à sa place et réussit à fédérer autour de sa candidature tous les opposants au régime.
Elle mène une campagne très active contre la dictature d'Alexandre Loukachenko et fait salle comble pendant ses meetings. Plusieurs membres de son staff sont arrêtés pendant la campagne.
Le président sortant obtient 80 % des votes et Svetlana Tikhanovskaïa est créditée de 10 %.
Dès l'annonce des résultats, la société civile crie au scandale et décide de ne pas se faire voler l'élection. De nombreuses manifestations pacifiques sont organisées dans toutes les villes et universités.
Dès le démarrage des manifestations le KGB biélorusse frappe très fort pour tenter d'endiguer le mouvement : arrestations en masses, tabassage, viols dans les prisons. L'objectif est très clair : briser tous les apprentis manifestants pour qu'ils ne tentent pas de recommencer.
L'opposante principale Svetlana Tikhanovskaïa, après avoir été vraisemblablement forcée à reconnaître sa défaite, est partie se réfugier en Lituanie avec ses deux enfants.
Quelques mois plus tard, le gouvernement biélorusse détourna un avion commercial pour arrêter Roman Protassevitch, un journaliste dissident en exil.
Enfin, l'opposante Maria Kolesnikova a été condamnée à 11 ans de prison. Elle était une des organisatrices des manifestations massives contre la réélection truquée du président Lukashenko en septembre 2020.
La communauté internationale n'a malheureusement pas eu beaucoup de marge de manœuvre dans cette histoire. Des sanctions à l'encontre de plusieurs hauts gradés du régime ont été mises en place par l'UE, mais elles n'ont pas vraiment d'importance. Le régime biélorusse est soutenu par son voisin russe qui rêve de ramener le pays dans son giron de manière définitive.
En revanche, de son côté, le président Lukashenko a trouvé cet été un vrai moyen de pression contre les pays européens qui accueillent des dissidents politiques. Il a fait venir plusieurs centaines d'Irakiens qu'il a ensuite amenés à la frontière lituanienne. L'UE a fait pression sur l'Irak pour qu'elle arrête les vols vers Minsk. La Pologne et la Lituanie tentent de se barricader. Plusieurs migrants sont morts à la frontière.
Un an après cette farce électorale, force est de constater que le dernier dictateur d'Europe sévit toujours impunément à quelques kilomètres de l'UE.
🌍 Le monde cette semaine
🇸🇻 Au Salvador, des milliers de personnes ont manifesté contre le président Nayib Bukele. Deux revendications : l'introduction du bitcoin comme monnaie légale et les nombreuses récentes décisions anti-démocratiques.
🇪🇹 Le gouvernement éthiopien a bombardé la plus grande ville du Tigré, Mekelle. Abiy Ahmed, le Premier ministre éthiopien, a également menacé d'arrêter toute aide alimentaire entrant dans le pays (ce qui est déjà plus ou moins le cas).
👉 Eye of the Tigré
🇷🇺 Le Parlement européen a décerné le prix Sakharov à Alexeï Navalny, principale figure de l'opposition russe.
👉Alexeï Navalny empoisonné