L'Éthiopie vient de finaliser une nouvelle phase de remplissage de son gigantesque barrage de la Renaissance. Une fois terminé ce barrage sur le Nil sera le plus grand d'Afrique et placera l'Éthiopie comme un des plus grands exportateurs d'électricité du continent.
L'infrastructure est surtout à l'origine d'une crise diplomatique sans précédent avec deux autres pays qui sont en aval du Nil, le Soudan et l'Égypte. En effet, l'Égypte commence sérieusement à paniquer sur l'impact du barrage sur le débit du fleuve dont le pays tire 90% de son eau douce.
Alors que l'Éthiopie souhaitait favoriser l'agriculture irriguée et qu'elle était bien consciente que plus de la moitié du pays manque d'électricité, l'idée d'un grand barrage sur le Nil a fait son chemin et a été lancée il y a plus de 10 ans. Mais, de l'idée à l'exécution, il y a une ribambelle de problèmes.
⚖️ Premier problème, le droit.
En 1902, l'Éthiopie et les Britanniques (colonisateurs de l'Égypte) signent un accord qui engage l'Éthiopie à ne pas construire d'ouvrage hydraulique sur le Nil bleu ou le Sobat sans l'accord des autorités occupantes.
En 1929, puis en 1954, le Soudan et l'Égypte signent un accord de répartition des eaux du Nil et l'Éthiopie est écartée des négociations. Depuis, elle se considère libérée de ses engagements signés depuis 1902, alors que l'Égypte considère qu'ils sont toujours d'actualité.
Le droit international n'aide pas vraiment à résoudre la situation puisque deux écoles s'affrontent : la souveraineté absolue d'un pays sur ses ressources contre la gestion d'un fleuve en bonne intelligence avec son voisinage.
Mais, l’Éthiopie a tout de même veillé, grâce à un travail de lobbying intense, à se mettre dans la poche tous les autres pays voisins.
En conclusion, l'Égypte est totalement contre ce barrage (et l'idée de le bombarder a même effleuré l'idée du président Sissi) mais elle ne peut pas y faire grande chose.
💰 Deuxième problème, le financement.
Visiblement, le gouvernement éthiopien n'a fait aucune étude d'impact environnemental sur le projet. Cela aurait rendu le financement international du projet totalement impossible.
Le gouvernement a donc eu l'idée de lancer un énorme financement participatif pour financer le projet de 4,8 milliards de dollars soit 6,5 % du PIB éthiopien. Le projet a suscité un énorme enthousiasme et une grande fierté nationale. La diaspora s'est mobilisée, les fonctionnaires ont également été mis à contribution, bref tous les salariés qui le pouvaient (l'histoire ne fait pas vraiment la distinction entre ceux qui pouvaient et ceux qui voulaient à ce stade).
D'ailleurs il ne faut visiblement pas trop poser de questions : la journaliste Reeyot Alemu a été emprisonnée plusieurs mois pour avoir fait précisément cela.
Semegnew Bekele, le directeur de l'ouvrage a, quant à lui, été retrouvé "suicidé" d'une balle derrière l'oreille en 2018.
Les négociations entre l'Égypte et l'Éthiopie reprennent régulièrement. La première voudrait que le lac du barrage ne se remplisse qu'en 15 ans afin de garantir le plus petit impact possible sur le débit du Nil en aval. Pas de bol, cette deuxième phase de remplissage devrait théoriquement permettre au barrage de fonctionner rapidement.
Il était de toute façon quasi impossible pour le premier ministre Abiy Ahmed de faire marche arrière. Le pays est toujours en guerre civile dans la partie nord, le Tigré. Rassembler tous les Éthiopiens autour de ce mégaprojet devenu une fierté nationale était politiquement essentiel.
🌍 Le monde cette semaine
🇭🇹 En Haïti, le président Jovenel Moïse a été assassiné il y a deux semaines. Il venait de nommer un nouveau premier ministre, Ariel Henry. En revanche, la confirmation de la nomination par le parlement n'avait pas encore eu lieu lors du meurtre du président et cela a créé une confusion dans un pays qui n'en avait pas besoin. Finalement, le premier ministre a été confirmé par le parlement cette semaine. Relire le briefing sur Haïti.
🇨🇴 En Colombie, cela fait plus de trois mois que des manifestations violentes se déroulent quotidiennement dans tout le pays. Les manifestations ont fait plusieurs morts et le gouvernement colombien a vivement été critiqué pour l'intensité de la répression lors des démonstrations. Elles ont démarré lorsque le gouvernement a lancé une réforme des impôts qu'il a dû retirer par la suite. Cette semaine, le gouvernement vient justement de proposer une nouvelle version de cette réforme.
🇵🇪 Au Pérou, plusieurs semaines après les élections présidentielles, Pedro Castillo a enfin été déclaré vainqueur contre sa rivale de droite Keiko Fujimori.
🇿🇦 En Afrique du Sud, les émeutes démarrées la semaine dernière suite à l'emprisonnement de l'ancien président Jacob Zuma ont fait 276 morts. L'ancien président a été emprisonné la semaine dernière suite à son refus de se présenter devant une commission enquêtant sur la corruption durant son mandat.
🇲🇱 Au Mali, Assimi Goita, leader du coup d'État et président par intérim, a échappé à une tentative d'assassinat à l'arme blanche.
🇪🇹 En Éthiopie, les rebelles de la région du Tigré ont étendu la guerre civile à la région voisine d'Afar. Relire le briefing sur la guerre civile en Éthiopie.