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Ce briefing a Ă©tĂ© imaginĂ© et Ă©crit par un contributeur invitĂ©. Carlos de Sousa est journaliste Ă la RĂ©publique des PyrĂ©nĂ©es et diplĂŽmĂ© de lâĂcole de journalisme de Grenoble. Vous pouvez le suivre sur Twitter.
Le 25 novembre dernier, le gĂ©nĂ©ral Al-Burhan, prĂ©sident du conseil de transition du Soudan depuis la rĂ©volution de 2019 ayant chassĂ© du pouvoir Omar El-BĂ©chir, a provoquĂ© un coup dâĂtat contre son propre gouvernement. Pour comprendre pourquoi ce putsch est survenu, il faut regarder attentivement lâhistoire du Soudan, troisiĂšme plus grand pays africain en superficie.
đšâđ SoudĂ©s comme un seul homme
Le Soudan nâa connu que la guerre depuis son indĂ©pendance en 1956. Car avant son indĂ©pendance, le Soudan est un espace cogĂ©rĂ© par le Royaume-Uni et le grand voisin Ă©gyptien. Aux Ăgyptiens la gestion du nord de la rĂ©gion, et aux Britanniques, la gestion du sud.
Mais, en 1946, les deux rĂ©gions sont fusionnĂ©es, provoquant la colĂšre des Soudanais vivant au sud, qui nâont pas Ă©tĂ© consultĂ©s sur lâaffaire et qui craignent dâĂȘtre soumis aux voisins du nord.
Les tensions montent dâun cran, en 1956, lorsque les dirigeants du nord du Soudan refusent de crĂ©er un Ătat fĂ©dĂ©ral qui accorderait une certaine autonomie Ă la rĂ©gion sud, alors quâils sây Ă©taient eux-mĂȘmes engagĂ©s.
AprĂšs 17 annĂ©es de guĂ©rilla sanglante et 500 000 morts, un accord de paix est conclu Ă Addis-Abeba en 1972, accordant lâautonomie au Soudan du Sud.
đȘ Omar nous a tuĂ©s
Une seconde guerre civile Ă©clate en 1983 entre le gouvernement de Khartoum et les Sud-Soudanais Ă la suite dâun changement de politique pĂ©nale dĂ©cidĂ©e par le gouvernement central. En parallĂšle, une terrible famine dĂ©vaste le pays, particuliĂšrement Ă lâouest du pays, dans la rĂ©gion du Darfour. AprĂšs 4 ans dâinstabilitĂ© politique, liĂ©e simultanĂ©ment Ă une situation Ă©conomique qui se dĂ©grade et Ă la guerre civile qui ravage le pays, le colonel Omar El-BĂ©chir prend le pouvoir par un putsch le 30 juin 1989.
Pendant 30 ans, Omar El-Béchir va museler toute opposition à son pouvoir en interdisant tous les partis politiques et va centraliser tous les pouvoirs dans ses mains.
Il devient officiellement président de la République le 16 octobre 1993, puis sera élu puis réélu à cinq reprises.
En 2009 et 2010, il fait lâobjet de deux mandats dâarrĂȘt internationaux Ă©mis par la Cour pĂ©nale internationale pour son rĂŽle pendant la guerre civile qui ravage toujours le Darfour.
Il est accusĂ© de crime de guerre, crime contre lâhumanitĂ© et gĂ©nocide. Il est le premier chef dâĂtat en exercice Ă faire lâobjet dâun mandat dâarrĂȘt international.
En parallĂšle, le Soudan du Sud obtient d'organiser un rĂ©fĂ©rendum en janvier 2011, qui sera trĂšs largement favorable Ă l'indĂ©pendance. Elle devient effective le 9 juillet 2011.Â
đłïž Le mandat de trop
En 2018, tout se conjugue : il applique un plan d'austĂ©ritĂ©, privatisant de larges secteurs, comme les importations. Le prix du pain augmente de 50%, et celui lâessence de 30%. Lâinflation atteint les 40 %.
Des manifestations sont organisées dans le pays, mais elles sont durement réprimées.
Malgré ce contexte trÚs tendu, Omar El-Béchir annonce vouloir se représenter une sixiÚme fois en août 2018.
Le 10 dĂ©cembre 2018 marque la fin du rĂ©gime dâEl-BĂ©chir : des manifestations monstres se montent dans le nord du pays.
Pendant trois mois, la contestation va sâamplifier, car voyant la rĂ©pression sâintensifier, les manifestants rĂ©clament dĂ©sormais la dĂ©mission du prĂ©sident.
Le 11 avril 2019, aprĂšs 30 ans de pouvoir, Omar El-BĂ©chir, lâancien colonel, est destituĂ© par sa propre armĂ©e et est arrĂȘtĂ©.
Une junte militaire prend le pouvoir, dissout le Parlement et annonce une période de transition de deux ans, en promettant que le pouvoir sera livré aux civils.
NĂ©anmoins, les manifestations continuent face Ă ce coup de force militaire, qui est loin de faire l'unanimitĂ©. Le 3 juin 2019, plus de 100 personnes faisant un sit-in sont massacrĂ©es par les forces armĂ©es de transition Ă la capitale Khartoum.Â
đ€đż Pour une poignĂ©e de shekels
AprĂšs cet Ă©vĂšnement, l'opposition dĂ©mocratique va signer un accord avec les militaires afin de partager le pouvoir. Un "Conseil de souverainetĂ©" composĂ© de militaires forme l'exĂ©cutif soudanais, pour une pĂ©riode de 21 mois, avec le gĂ©nĂ©ral Abdel Fattah Abdelrahmane Al-Burhan Ă sa tĂȘte. L'Ă©conomiste Abdallah Hamdok devient Premier ministre en aoĂ»t 2019.
Des Ă©lections libres sont prĂ©vues en 2024. D'aprĂšs l'accord conclu entre les militaires et l'opposition dĂ©mocratique, le gĂ©nĂ©ral Al-Burhan devra cĂ©der son poste le 17 novembre 2021, chose qu'il ne fera pas.Â
Le général al-Burhan va commettre quelques impairs comme la normalisation des relations entre Israël et le Soudan, projet qui va connaßtre beaucoup d'opposition de la part des Soudanais et du gouvernement civil.
Ce rapprochement Ă©tait l'une des conditions imposĂ©es par les Ătats-Unis pour que le Soudan ne soit plus considĂ©rĂ© comme un pays soutenant le terrorisme.
đȘ Juste un dernier coup
Courant octobre 2021, les tensions entre militaires et civils à l'intérieur du gouvernement de Khartoum se font de plus en plus sentir. La crise économique se fait lourdement sentir également et l'austérité imposée par le Fonds Monétaire International aggrave la pauvreté, notamment la suppression des subventions sur les denrées de premiÚre nécessité.
Quelques semaines auparavant, une tentative de putsch, menée par d'anciens partisans d'Omar El-Béchir, avait été matée.
Ă la suite de ce coup d'Ătat manquĂ©, le gĂ©nĂ©ral al-Burhan exhorte le Premier ministre Ă dissoudre le gouvernement afin de faire baisser les tensions, mais Abdallah Hamdok refuse.Â
Dans la rue, des partisans de l'armĂ©e manifestent pacifiquement devant le palais prĂ©sidentiel pour exiger un coup d'Ătat militaire et appeler le gĂ©nĂ©ral al-Burhan Ă prendre le contrĂŽle du pays.
Ă l'inverse, des dizaines de milliers de partisans du gouvernement civil manifestent pour soutenir le gouvernement de transition et exigent quant Ă eux le dĂ©part des militaires du conseil de souverainetĂ©.Â
L'escalade monte jusqu'au matin du 25 octobre 2021. Le gĂ©nĂ©ral Al-Burhan mĂšne un coup d'Ătat militaire et fait arrĂȘter les hauts membres du gouvernement civil, dont le Premier ministre Hamdok, qui sera assignĂ© Ă rĂ©sidence pendant un mois.
Al-Burhan dĂ©crĂšte l'Ă©tat d'urgence et dissout le Conseil de souverainetĂ© ainsi que le gouvernement civil dans la foulĂ©e : il est le seul homme aux manettes. Des rumeurs laissent entendre que le putsch serait influencĂ© par le grand voisin Ă©gyptien, qui a les mĂȘmes dĂ©sirs de normaliser les relations avec IsraĂ«l.Â
Dernier rebondissement en date : la libération du Premier ministre et la signature cette semaine d'un accord de gouvernement entre Hamdok et Al-Burhan. Cet accord est déjà un échec puisque Abdallah Hamdok est perçu comme un traßtre par les manifestants pro-démocratie.
đ Le monde cette semaine
đșđŠ En Ukraine, le prĂ©sident a dĂ©clarĂ© (tout en restant vague) qu'un coup d'Ătat Ă©tait en prĂ©paration pour dĂ©but dĂ©cembre par des individus russes et ukrainiens. De son cĂŽtĂ©, la Russie a continuĂ© d'envoyer des troupes Ă la frontiĂšre ukrainienne et la BiĂ©lorussie a organisĂ© un exercice conjoint avec la Russie du cĂŽtĂ© de sa frontiĂšre avec l'Ukraine. Le secrĂ©taire gĂ©nĂ©ral de l'OTAN a averti la Russie qu'il y aurait un "prix Ă©levĂ© Ă payer" si elle utilisait la force contre l'Ukraine.
đ Peut-on rĂ©sister Ă Poutine ?
đȘđș L'Union europĂ©enne vient de dĂ©voiler Global Gateway, un programme de dĂ©veloppement d'infrastructures de 300 milliards d'euros dont l'objectif est de concurrencer la Belt and Road Initiative, un programme d'infrastructure mondiale financĂ© par la Chine.
đ Ceinture et bretelles
đšđł La Women's Tennis Association a suspendu ses tournois en Chine suite Ă l'affaire Peng Shuai. La tenniswoman chinoise a accusĂ© le mois dernier un ancien vice-premier ministre de l'avoir agressĂ©e sexuellement. L'association craint que Peng Shuai ne soit plus libre depuis et estime que les preuves apportĂ©es par la presse chinoise sont insuffisantes.
đđł Xiomara Castro (gauche) a Ă©tĂ© dĂ©clarĂ©e vainqueur de l'Ă©lection prĂ©sidentielle au Honduras.