La cour interaméricaine des droits de l'Homme vient de demander au président du Nicaragua Daniel Ortega de libérer 19 opposants politiques qui ont été incarcérés ces cinq derniers mois, en vue des élections présidentielles. Ils sont tous accusés de terrorisme et de vouloir renverser le gouvernement. Petit retour historique et ironique sur cette crise politique.
Le Nicaragua débute le XXᵉ siècle sous la domination de son voisin nord-Américain. Les USA ont d'abord appuyé militairement plusieurs dirigeants conservateurs. Lorsqu'une rébellion menée par le Général Sandino éclate, les marines américains sont là pour la mater. En 1936, la famille Somoza prend le pouvoir, toujours avec l'appui des Américains, vous l'aurez évidemment compris. Somoza père passera le pouvoir à son fils, qui le passera à son frère. La dictature familiale a duré jusqu'en 1979 et ils se sont enrichis dans des proportions hallucinantes.
C'est le Front Sandiniste de libération nationale qui a finalement réussi à faire chuter la famille Somoza. À force de scandales et de répressions, ils avaient tout de même été lâchés par les USA. Le FSLN est un parti politique et une armée rebelle d'inspiration communiste. Des groupes contre-révolutionnaires, appelés Contras, financés par les USA s’engagent dans une guerre civile contre le FSLN pendant toute la décennie 80, avec pour résultat près de 30 000 morts. Pour la petite histoire, j'ai découvert que, pendant cette période, les Américains avaient miné les différents ports du Nicaragua pour empêcher le pays de commercer avec l'extérieur. C'est à la fois très malin et vraiment flippant.
Malgré la guerre civile, des élections libres se sont tenues en 1984 et un des leaders du FSLN, Daniel Ortega, les gagna. Lors des élections suivantes, en 1990, il perd et entre en opposition jusqu'à sa réélection en 2006, puis en 2011, et enfin en 2016. Les premières années sont assez prometteuses : un énorme effort d'alphabétisation est mis en œuvre, des grosses avancées en termes de réduction de la pauvreté et une meilleure répartition des terres. On partait de loin, me direz-vous.
En 2018, le gouvernement tente de passer une réforme du régime de retraite, et justement, elle ne passe pas du tout auprès de la population. Des milliers de manifestants descendent dans la rue et la police riposte de plus en plus violemment jusqu'à faire plus de 300 morts. La presse d'état avait dépeint les manifestants comme des terroristes voulant renverser le gouvernement. Cela aurait pu être une première alerte.
Depuis plus de 15 ans, Daniel Ortega a patiemment construit un État autocratique : censure de la presse, de l'opposition. À l'approche des élections présidentielles de novembre 2021, Ortega n'a rien trouvé de mieux que d'enfermer pas moins de 19 opposants. Oui 19 ! Il applique la même rhétorique, ce sont des terroristes qui veulent également renverser le gouvernement.
Le président cherche visiblement à mettre toutes les chances de son côté pour gagner les prochaines élections. Il ressemblerait presque à la famille Somoza qu'il a combattu toute sa jeunesse.
🌍 Le monde cette semaine
🇲🇲 En Birmanie, l'armée a arrêté plus de 6000 personnes et tué 800 autres depuis son coup d'État il y a quatre mois. La résistance s'organise de plus en plus dans les campagnes en revanche. Relire le briefing sur le coup d'État en Birmanie.
🇪🇹 En Éthiopie, les élections parlementaires ont eu lieu cette semaine dans des conditions plus qu'incertaines. Plusieurs leaders de l'opposition ont été arrêtés, 4 régions sur 10 n'ont pas pu voter, dont le Tigré qui est toujours en pleine guerre civile. Relire le briefing sur la guerre civile en Éthiopie.
🇨🇴 En Colombie, Ingrid Betancourt et ses ravisseurs (les FARC) se sont rencontrés pour la première fois depuis sa libération en 2008. Une étape symbolique dans la mise en œuvre de l'accord de paix signé en 2016 entre les rebelles et l'État colombien. Relire le briefing sur l'accord de paix en Colombie.
🇦🇫 En Afghanistan, alors que les troupes américaines organisent leur départ, l'envoyé spécial de l'ONU a déclaré que les Talibans avaient déjà repris 50 des 370 districts depuis mai. Relire le briefing sur le départ des USA en Afghanistan.